ÉVALUATION
DE L’INTERDICTION DE L’ACHAT DE SERVICES SEXUELS
Regeringskangsliet
Services du Gouvernement suédois
Publication
de presse
02
juillet 2010
Ministère
de la Justice
Traduction en
français : Mme Florence PAILLARD pour l’Association
« Mémoire traumatique et Victimologie
», octobre 2010
Le rapport d’enquête sur l’interdiction
de l’achat de services sexuels, évaluation 1999-2008, a été remis au Ministre
de la Justice Béatrice Ask. Le but de l’évaluation était de rechercher comment
la prohibition, qui est en application depuis 10 ans, s’applique dans la
pratique et quels effets elle a eu sur la prostitution et la traite des êtres
humains à buts sexuels en Suède. L’évaluation montre que l’interdiction de
l’achat de services sexuels a eu l’effet escompté et est un instrument
important dans la prévention et la lutte contre la prostitution et la traite
des êtres humains à buts sexuels.
Effets de l’interdiction
L’enquête a conclu que la prostitution
en Suède, à la différence de pays comparables, n’a en aucun cas augmenté depuis
le début de l’interdiction. L’interdiction de l’achat de services sexuels a
aussi contrecarré l’instauration du crime organisé en Suède. D’où la
criminalisation a contribué à combattre la prostitution et la traite des êtres
humains à buts sexuels. Interdire l’achat de services sexuels a aussi un effet
normatif. On a noté un changement d’attitude dans l’achat de services sexuels
qui coïncide avec le fait d’avoir criminalisé l’infraction d’acheter du sexe. Il y a
maintenant d’importants soutiens à l’interdiction d’achat de services sexuels
en Suède. L’interdiction s’est révèlée comme force de dissuasion envers les
clients du sexe. L’enquête n’a trouvé aucun élément
indiquant que la criminalisation aurait eu un effet négatif sur les personnes
exploitées par la prostitution.
Application de l’interdiction
L’étude de l’application de
l’interdiction montre que, après une période initiale d’incertitude, les
officiers de police et le Ministère public considèrent que, en général,
l’application se déroule bien. Toutefois, il est clair que, l’effet de
l’application dépend des moyens déployés et des priorités prises par le système
judiciaire.
Mesures proposées
L’enquête souligne la valeur et la
nécessité de continuer à soutenir le travail social pour prévenir et combattre
la prostitution et la traite des êtres humains à buts sexuels. Les efforts
doivent être coordonnés pour que ce travail réussisse. En conséquence l’enquête
propose la création d’un centre national chargé de coordonner les efforts contre
la prostitution et la traite des êtres humains à fins sexuelles.
L’enquête propose aussi que la peine
maximale pour achat de services sexuels soit augmentée de six mois
d’emprisonnement à un an. L’étude des affaires suivies par l’enquête montre
qu’il faut nuancer davantage l’évaluation des cas les plus sérieux d’achat de
services sexuels en fonction de l’échelle actuelle des peines possibles au
crime. D’après l’enquête, le niveau actuel des peines pour les dommages de
certains achats sexuels n’est pas proportionné à l’importance du crime.
De l’avis de l’enquête, une personne
exploitée dans le cadre de la prostitution doit être considérée comme la partie
victime de l’achat de services sexuels. Le point auquel
cette personne doit être considérée comme victime doit être déterminé pour
chaque cas.
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: SOU 2010 : 49
Services du
Gouvernement suédois
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Stockholm Suède
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CONTACT
Martin
Valfridsson
Attaché de
presse de Béatrice Ask
46 8 405 47 22
46 70 274 10 22
Chancelier de
justice
Anna Skarhed
Directeur de
l’enquête
46 8 405 29 01
Ulrika Kullman
Secrétaire
d’enquête
46 8
405 23 15
RÉSUMÉ
Le 1er
janvier 1999, la Suède devint le
premier pays au monde à présenter une loi criminalisant l’achat, mais non la
vente, des services sexuels. On peut trouver les dispositions pénales –
prohibition de l’achat de services sexuels – Chapitre 6, Section II du Code
Pénal.
L’interdiction de l’achat de services
sexuels a été introduite depuis qu’il a paru évident que lutter contre la
prostitution était d’un intérêt social urgent. A la différence des mesures et
initiatives précédentes, la criminalisation ciblait la demande de services
sexuels, i.e. les acheteurs de sexe et les éventuels acheteurs. L’interdiction
visait à aider la lutte contre la prostitution et ses conséquences nuisibles
d’une manière plus efficace qu’il n’était possible en utilisant les mesures
antérieures. Le projet de loi établissait qu’il était honteux et
inacceptable que, dans une société
d’égalité des sexes, les hommes obtiennent des relations sexuelles
occasionnelles avec des femmes contre paiement et que la Suède, en introduisant
une interdiction d’achat de services sexuels, envoyait aussi un important
signal aux autres pays en soulignant nos intentions quant à l’achat de services
sexuels et à la prostitution. Il montrait que la prostitution imposait de
sérieux dommages à l’individu et à la société. On attendait
que la
criminalisation ait un effet dissuasif
sur les éventuels acheteurs de sexe et serve à réduire l’intérêt des différents
groupes ou individus à l’étranger qui auraient établi des activités de
prostitution organisée étendues en Suède , précautions qui auraient un effet
dissuasif sur la fréquence de la prostitution ici. L’interdiction
de l’achat de services sexuels est maintenant en application depuis dix ans. Différents objectifs ont été présentés
sur les conséquences de la criminalisation. La question de l’évaluation de
l’interdiction a été soulevée au Riksdag à plusieurs occasions.
La législation prohibant l’achat de
services sexuels a aussi reçu l’attention internationale, et l’intérêt est
grand d’apprendre quel effet a eu l’interdiction. Par exemple, le problème
grandissant de la traite des êtres humains à des fins sexuelles et de
prostitution signifie que beaucoup de pays ont eu des raisons d’envisager de
nouvelles méthodes pour combattre l’achat de services sexuels et la traite.
Notre étude a été d’évaluer
l’application de l’interdiction d’achat de services sexuels et les effets de la
prohibition. Nous avons cherché comment les moyens ont agi en pratique et quels
effets l’interdiction a eu sur la fréquence de la prostitution et de la traite
des êtres humains à buts sexuels en Suède. Un point de départ de notre travail
a été que l’achat de services sexuels doit rester criminalisé.
Quelques points de départ généraux
(Chapitre 2)
La proposition de criminaliser l’achat
de services sexuels faisait partie de la Déclaration Gouvernementale contre la
Violence faite aux Femmes (Kvinnofrid, 1997/98 :55). La Déclaration proposait
un grand nombre de différentes mesures dans divers secteurs sociaux pour
combattre la violence faite aux femmes, la prostitution et le harcèlement
sexuel dans la vie active. Selon la Déclaration, une question qui touchait de
près la violence faite aux femmes et le manque d’égalité sexuelle, était celle
des hommes qui achètent des services sexuels, généralement aux femmes, i.e. la
question de la prostitution.
L’idée la plus importante concernant la
question de la prostitution, présentée par la Déclaration, était que
l’attention doit être dirigée vers les acheteurs. Il était question d’un
changement en perspective, qui peut se résumer par la constatation de
l’évidence : s’il n’y avait pas de demande il n’y aurait pas de prostitution.
Le 10 juillet 2008 le Gouvernement a
présenté la Communication
Gouvernementale 2007/08 :167, qui était
un plan d’action contre la prostitution et la traite des êtres humains à buts
sexuels. Dans ce plan d’action, le Gouvernement soulignait une fois de plus que
la prostitution et la traite des êtres humains ne sont pas acceptables dans
notre société et qu’il faut des mesures importantes pour les combattre. Le plan
d’action indique que les raisons sousjacentes des personnes impliquées dans la
prostitution varient, mais que le premier facteur qui perpétue la traite des
êtres humains et la prostitution est la demande, i.e ces personnes,
essentiellement des hommes, achètent du sexe. La
traite des
êtres humains à buts sexuels concerne surtout les jeunes femmes et filles. On
ne connaît pas le degré exact de la traite à des fins d’exploitation sexuelles
dans le monde puisque de nombreux cas ne sont pas rapportés, mais on conçoit
généralement que la traite représente une des formes les plus profitables du
crime organisé international.
Il y a donc un lien très clair entre
l’existence de la prostitution et la traite des êtres humains à buts sexuels.
Depuis qu’elle a été introduite,
l’interdiction de l’achat de services sexuels a provoqué des débats en Suède et
sur le plan international. Malgré la position officielle, il y a encore un
débat en Suède concernant les opinions sur la prostitution. Ceux qui
soutiennent la prostitution avancent qu’il est possible de différencier la
prostitution volontaire de la non-volontaire, les adultes devraient avoir le
droit de vendre et d’acheter librement du sexe, et que l’interdiction de
l’achat de services sexuels représente une position désuète, basée sur un
moralisme sexuel. Toutefois, basée sur
l’égalité des sexes et les droits des êtres humains, et sur les objectifs très
différents, i.e. ceux des personnes exploitées par la prostitution, et ceux de
la demande, i.e. trafiquants, proxénètes et acheteurs de sexe, la distinction
entre prostitution volontaire et non volontaire n’est pas pertinente.
Cadre et loi courante, etc.
(Chapitre 3)
La question de criminaliser la
prostitution a été soulevée en Suède dans les années 1970, liée à des
changements sociaux et à une vision modifiée de la sexualité.
L’enquête sur la prostitution de 1977 a
donné la plus large étude sur la
prostitution qui mérite d’être
mentionnée. Pour éclairer le fait que la prostitution n’est pas une question de
femmes mais plutôt un problème humain, l’enquête a choisi d’essayer d’étendre l’idée
et a défini la prostitution de la manière suivante. La prostitution a lieu
quand au moins deux facteurs, achat et vente de services sexuels en retour pour
(généralement) une rémunération financière présentent la condition d’un service
sexuel. L’enquête a estimé que la prostitution était incompatible avec l’idée
de liberté de l’individu et d’égalité des
sexes qui a longtemps prévalu en Suède.
Dans son rapport « La prostitution en Suède, cadre et mesures » (SOU 1981 :71),
l’enquête proposait que la prostitution soit exempte de pénalités, mais
attirait l’attention sur d’autres solutions sociales et légales pour diminuer
la prostitution.
L’enquête sur la prostitution de 1993
utilise le terme « commerce du sexe » pour décrire une activité comprenant au
moins deux parties achat et vente de services sexuels dans l’intention de
satisfaire les besoins sexuels de l’acheteur. Dans son rapport « Commerce du
sexe » (SOU 1995 :15), l’enquête proposait que la prostitution soit criminalisée
en introduisant l’interdiction à la fois de l’achat et de la vente de services
sexuels. L’enquête considérait que la criminalisation de la prostitution était
une étape nécessaire pour faire clairement comprendre que le phénomène de la
prostitution n’est pas accepté par la société. La proposition de l’enquête, en
particulier l’idée de criminaliser aussi la personne exploitée par la prostitution,
a rencontré une critique grandissante et n’a pas été appliquée. Le projet qui
amenait éventuellement l’introduction de l’acte prohibant l’achat
de services sexuels (1998 :408) faisait
partie de la Déclaration Gouvernementale sur les Violences faites aux Femmes,
comme décrit ci-dessus. Le projet était basé sur le rapport de l’enquête sur la
prostitution de 1993 et sur le Rapport final de la Commission sur les Violences
faites aux Femmes (SOU 1995 :60). Une personne qui obtient une relation sexuelle
occasionnelle contre paiement commet le crime d’achat de service sexuel, que
l’on trouve maintenant Chapitre
6, Section II
du Code Pénal. L’achat de service sexuel une seule
fois suffit à la responsabilité de crime. La rémunération peut être sous forme
d’argent, mais aussi par des moyens comme l’alcool ou la drogue. Promettre une
rémunération de sorte que le paiement soit la condition du service est suffisant
pour établir la responsabilité. Un crime est commis même si c’est une autre
personne que celle
qui profite du service sexuel qui a
remis ou promis la rémunération. Une tentative d’infraction est également
passible de peine. Le taux de peine pour achat de services sexuels est une
amende ou un emprisonnement de six mois au plus.
Comme pour le crime de traite des êtres
humains, l’interdiction d’achat de services sexuels est un instrument important
pour prévenir et combattre la traite des êtres humains et pour protéger les
personnes qui sont, ou risquent de devenir impliquées dans la prostitution et
les autres formes d’exploitation sexuelle. Depuis que la traite des êtres
humains à des fins d’exploitation sexuelle est un crime transfrontalier, le
combattre demande une coopération internationale. Différentes mesures
concernant la prostitution et la traite des êtres humains ont
été adoptées par les Nations-Unies, le
Conseil de l’Europe et l’Union
Européenne.
Les travaux
pour combattre la prostitution ont longtemps tourné autour
d’initiatives sociales, et les deux
précédentes enquêtes ont renforcé la valeur de telles initiatives. A la
différence de beaucoup d’autres pays où les efforts portent sur la réduction
des dommages, les initiatives visant la prostitution en Suède s’attachent
surtout à la combattre en gardant les personnes hors de la prostitution ou en
freinant l’achat de sexe.
Un travail considérable est mené à
Stockholm, Göteborg et Malmö en direction des personnes exploitées par la
prostitution. Les personnes qui se prostituent ont des besoins d’aide
complexes, et il faut une connaissance et des compétences spéciales pour
entreprendre des initiatives auprès de ces personnes. Travailler dans les
milieux de la prostitution implique différents éléments. Cela inclue des
activités d’information sociale, des
interviews motivées, différentes formes de thérapie et de support
psychologique. On sait peu de choses sur la façon dont les personnes
prostituées et victimes de traite des êtres humains sont détectées et aidées
dans d’autres régions. Connaître les méthodes les plus efficaces pour les aider
est aussi très limité.
Dans son plan d’action contre la
prostitution et la traite des êtres humains, le Gouvernement souligne que les
initiatives pour combattre la demande de services sexuels sont cruciales pour
traiter le problème. Depuis dix ans à peu près, les services sociaux de
Stockholm, Göteborg et Malmö ont créé ce que l’on appelle les groupes KAST
(acheteurs de services sexuels) pour motiver les acheteurs de sexe potentiels
et actifs à changer leur comportement. Différentes
mesures préventives sont nécessaires pour éviter aux personnes prévenues de
tomber dans la prostitution. Ont une importance particulière les
initiatives concernant les personnes
particulièrement sensibles, i.e. les enfants et les jeunes. Les groupes
professionnels en contact avec les jeunes à risque de tomber dans la
prostitution doivent développer leur capacité à voir les signaux et accroître
leurs compétences pour pouvoir traiter ces questions de la meilleure manière
possible.
Prostitution en Suède 1999-2008 et
comparaison avec la situation dans d’autres pays (Chapitres 4 et 5)
Évaluer les effets de l’interdiction de
l’achat de services sexuels s’avère une tâche difficile. La prostitution et la
traite des êtres humains à des fins sexuelles sont un phénomène social complexe
à multiples facettes qui s’opère en partie secrètement. Le progrès de l’internationalisation
et Internet comme nouveau terrain pour la prostitution rendent également
difficile d’estimer son étendue.
Bien qu’il y ait de nombreux rapports,
articles et essais sur ce phénomène, connaître l’importance de la prostitution
et de la traite des êtres humains à buts sexuels est par conséquent limité.
Cela s’applique particulièrement au cas de personnes prostituées dans d’autres
sphères que le racolage de rue et Internet, et dans le cas de prostitution en
dehors des zones urbaines. Dans l’ensemble, la « prostitution » fait
traditionnellement référence à la
prostitution
hétérosexuelle, avec les femmes procurant le service sexuel et les
hommes
l’achetant. Les mesures appliquées et la connaissance acquise sont largement
basées sur cet aspect coutumier. Par conséquent, nous ne savons pas grand-chose
des hommes qui fournissent les services sexuels et sur les jeunes qui sont
exploités par la prostitution. Les acheteurs de services sexuels sont toujours
plutôt invisibles bien que la volonté politique ait souhaité déplacer l’objectif.
Les études empiriques qui ont été
menées ont eu, dans quelques cas une portée limitée, et différents travaux de
procédures, de méthodes et de buts ont été utilisés. En regard de ces facteurs
et d’autres, il y a parfois des raisons d’interpréter les résultats avec
précaution. Toutefois, en dépit de ces réserves, nous considérons qu’il est
possible de tirer des conclusions basées sur le matériau auquel nous avons eu
accès, et les résultats que nous présentons sur cette base donnent, à notre
avis, une image aussi claire qu’il soit possible d’en donner.
La prostitution de rue a diminué
de moitié
On considère que les données
disponibles sur l’importance et l’étendue de la prostitution de rue décrivent
les conditions réelles. Depuis le début de l’interdiction d’achat de services
sexuels, la prostitution de rue en Suède a diminué de moitié. Cette réduction
peut être considérée comme le résultat direct de la criminalisation des achats
de sexe.
Dans une comparaison, nous avons noté
que la fréquence de la prostitution de rue était à peu près la même dans les
trois capitales de Norvège, Danemark et Suède avant que l’interdiction d’achat
de services sexuels ne soit introduite ici, mais le nombre de femmes dans la
prostitution de rue en Norvège et au Danemark a augmenté de façon dramatique.
En 2008, on estimait que le nombre de personnes dans la prostitution de rue en
Norvège et au Danemark était le
triple de celle en Suède. Au regard des
grandes similitudes qui existent sous maints aspects dans ces trois pays,
économiquement et socialement, il est raisonnable de penser que la diminution
de la prostitution de rue en Suède est le résultat direct de la
criminalisation. Cette présomption est soutenue par le fait que, selon une
étude de la Municipalité de Bergen, une diminution immédiate et spectaculaire
de la prostitution de rue est survenue lorsque, le 1er janvier 2009, la
Norvège est devenue le deuxième pays
après la Suède à introduire une prohibition générale de l’achat de services
sexuels.
Le nombre de femmes étrangères dans la
prostitution de rue a augmenté dans tous les pays nordiques, y compris la
Suède. Toutefois, en comparaison on peut noter que le nombre dramatiquement
croissant d’étrangères dans la prostitution
de rue rapporté par le Danemark et la
Norvège n’a pas de parallèle en Suède.
Internet – une nouvelle arène
La prostitution
dont le premier contact est pris par Internet est un terrain important et
croissant de la prostitution et a reçu une attention soutenue ces dernières
années. Comparée à la prostitution de rue, l’étendue de la prostitution par
Internet est plus difficile à vérifier et à évaluer, mais on en connaît progressivement
de plus en plus sur cette forme de prostitution.
Depuis cinq ans, la prostitution par
Internet a augmenté en Suède, Danemark et Norvège. Cependant, l’étendue de
cette forme de prostitution s’accroit davantage dans nos pays voisins, et rien
n’indique une plus grande progression de cette forme de prostitution en Suède
que dans ces pays comparables. Cela indique que l’interdiction n’a pas déplacé
la prostitution de rue en Suède sur Internet. A cet égard on pourrait conclure
que la diminution de moitié de la prostitution de rue qui a eu lieu en Suède
représente une réelle diminution de la
prostitution ici, et que cette
diminution est aussi et surtout le résultat de la criminalisation d’achat de
sexe.
Internet joue un rôle important
spécialement auprès des jeunes dans la
prostitution. Le Conseil National à la
Jeunesse conclue que la plupart des jeunes exploités sexuellement contre
paiement sont entrés en contact avec l’acheteur via Internet. Les résultats
d’autres investigations d’enquêtes qui ont examiné les expériences des jeunes à
vendre des services sexuels confirment cette conclusion. L’interdiction d’achat
de services sexuels n’a pas eu d’effet sur le
risque de jeunes sur Internet.
Toutefois, les risques d’exploitation sexuelle, et l’abus que cette exposition
entraîne accroit la nécessité de protéger les jeunes de tomber dans la
prostitution.
Pas d’augmentation globale de la
prostitution en Suède
Rien n’indique que l’étendue de la
prostitution close qui n’est pas
commercialisée par des annonces de
magazines et sur Internet, e.g. la
prostitution en salons de massage, les
sex clubs et les hôtels, et dans le cadre des restaurants et des boîtes de
nuit, ait augmenté ces dernières années. Il n’y a pas non plus d’information
qui suggère que les prostituées exploitées auparavant dans les rues soient
maintenant impliquées dans la prostitution close.
Les personnes qui travaillent sur le
terrain ne considèrent pas qu’il y ait eu augmentation de la prostitution depuis
l’introduction de l’interdiction. Puisque les personnes impliquées dans les
activités de prostitution ont un absolu besoin de se faire connaître pour
entrer en contact avec les clients, il est improbable que la prostitution
puisse exister sur une grande échelle et demeurer entièrement cachée.
L’image d’ensemble que nous avons
obtenue est que, alors qu’il y a eu
augmentation de la prostitution dans
nos pays voisins nordiques cette dernière décennie, autant que nous puissions
voir, la prostitution n’a au moins pas augmenté en Suède. Il peut y avoir
plusieurs explications à cela mais, étant donné les grandes similitudes à tous
égards entre les pays nordiques, il est raisonnable de penser que la
prostitution aurait également progressé en Suède si nous n’avions pas eu
d’interdiction d’achat de services sexuels. La criminalisation a donc aidé à
combattre la prostitution.
L’interdiction d’achat de services
sexuels a contrecarré l’établissement du crime organisé
La traite des êtres humains à des fins
d’exploitation sexuelle est une forme en expansion de l’économie du crime dans
de nombreuses parties du monde. Bien qu’il soit difficile d’évaluer l’exacte
étendue de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, en
Suède on considère l’établissement de cette sorte de crime d’une étendue
considérablement moindre que dans d’autres pays comparables. Selon la Police
Criminelle Nationale, il est clair que l’interdiction d’achats de services
sexuels agit comme une barrière à la traite et aux proxénètes qui envisagent de
s’établir eux-mêmes en Suède.
Soutien grandissant du public à l’interdiction
L’interdiction de l’achat de services
sexuels visait à établir que le point de vue de la société est que la
prostitution est un phénomène indésirable. Pour jauger l’opinion publique
suédoise en ce qui concerne l’achat de sexe, des sondages ont été faits avant
et après l’introduction de la criminalisation. Selon les résultats basés sur
quatre sondages sur l’opinion de la population, il y a eu un changement d’attitude
sur l’achat de services sexuels qui coïncide avec la
criminalisation de l’achat de tels
services. On doit interpréter le changement d’esprit notable survenu ici – sans
équivalent au Norvège et au Danemark – comme signifiant que l’interdiction
elle-même a eu un effet normatif réel qui, étant donné que le soutien à la criminalisation
est plus grand parmi les jeunes, il devrait durer. Les trois sondages réalisés
depuis l’interdiction montrent que plus de 70% des personnes interrogées ont un
avis favorable sur l’interdiction.
Influences de l’interdiction sur
les prostituées
Quand
l’interdiction d’achat de services sexuels a été introduite, different doutes
ont été émis. Dont la crainte que la criminalisation
mène à la prostitution clandestine, rendant plus difficile d’atteindre les
personnes vulnérables concernées par les mesures sociales, que les risques
d’abus physiques ne croissent et que les conditions de vie en général des
prostituées n’empirent.
Autant que nous puissions en juger
d’après les écrits et les contacts que nous avons avec les responsables et les
personnes prostituées, ces craintes ne se sont pas réalisées.
Les officiers de police et les
travailleurs sociaux rapportent que les acheteurs de services sexuels sont
devenus plus prudents et que l’interdiction a amené une diminution de la
demande, au moins pour la prostitution de rue, comme un résultat de la
criminalisation. Selon la police, les acheteurs ont peur d’être pris, mais sont
plus concernés par le fait que le crime dont on les suspecte soit connu de la
famille et des relations plutôt que des peines qu’ils encourent. L’impression que
les acheteurs sont devenus plus prudents est partagée par une partie des
actuelles et anciennes prostituées qui
ont répondu aux questions de l’enquête, tandis que d’autres ont rapporté que la
criminalisation n’avait pas affecté les acheteurs parce que peu sont pris et
les peines légères.
Selon les sondages menés en Suède dans
la période qui a suivi la
criminalisation, la proportion des
hommes rapportant qu’ils ont à l’occasion, acheté des services sexuels a
diminué, et il semblerait que moins d’hommes achètent des services sexuels en
Suède que dans les autres pays nordiques. Dans un sondage mené en 2008, une
partie de ceux interrogés ont aussi rapporté que l’interdiction avait restreint
leurs actes au point qu’ils n’achetaient plus de services sexuels. L’un dans
l’autre, on doit interpréter ce qui précède comme voulant dire que
l’interdiction a un effet dissuasif sur les éventuels acheteurs de
services sexuels.
Il est clair, et il semble logique, que
les personnes qui se sont sorties de la prostitution aient un regard positif
sur la criminalisation, tandis que celles qui sont encore exploitées dans la
prostitution critiquent l’interdiction. Cet exemple se reflète dans différents
rapports et se confirme par les contacts que l’enquête a eus avec des femmes
qui ont fait l’expérience de la prostitution.
Application de l’interdiction
1999-2008 (Chapitre 6)
Depuis que l’interdiction a été
introduite, la police a dirigé des opérations spéciales contre la prostitution
en de maintes occasions. La majorité des recherches et opérations contre la
prostitution- en tant que crime a été, et continue d’être, menée par les
différents groupes spéciaux que l’on a instaurés durant cette période à
Stockholm, Göteborg et Malmö, et par la Police Criminelle Nationale. Les
opérations ont surtout visé la prostitution de rue et d’autres formes plus
organisées de prostitution liées au proxénétisme ou à la traite des êtres
humains.
La police n’a pas normalement donné la
priorité ou eu des ressources pour intervenir contre l’achat de services
sexuels dans d’autres formes de prostitution.
La police considère la prostitution de
rue comme ayant une grande valeur symbolique aux yeux du public, et le cadre de
la rue sert aussi au commerce d’autres formes de prostitution. Les officiers de
police avec lesquels l’enquête a été en contact pensent que les opérations
contre la prostitution de rue ont un effet immédiat en terme de prévention sur
les éventuels acheteurs de services sexuels, mais croient aussi que de telles
opérations ont un effet à plus long terme
pour dissuader et limiter le nombre
d’autres promoteurs et organisateurs de prostitution.
La majorité des poursuites pour
violation de l’interdiction sont des cas où l’acheteur de services sexuels a
pris le premier contact dans le cadre de la rue.
Une nouvelle disposition pénale, la
traite des êtres humains à buts sexuels, est entrée en application le 1er juillet 2002, et depuis 2003 il y a eu
une augmentation spectaculaire du nombre de poursuites pour violation de l’interdiction
d’achat de services sexuels, cas qui viennent du proxénétisme et de la traite
des êtres humains. L’importance de ces cas varie grandement d’une année à
l’autre, en fonction des ressources investies et des priorités prises par la police,
en particulier.
Il est clair que le contrôle de
l’application de l’interdiction dépende largement des priorités prises par la
police et des ressources disponibles. Selon les officiers de police et les
procureurs avec lesquels l’enquête s’est entretenue, un bien plus grand nombre
d’acheteurs de services sexuels pourrait être poursuivi si la priorité avait
été donnée à ce type de crime dans les activités quotidiennes. Une raison pour
laquelle la priorité n’a pas été donnée aux crimes d’achat de sexe est la peine
minime pour ce type de crime.
Huit sur dix des cas où les acheteurs
de services sexuels sont poursuivis impliquent des situations où le crime a été
reconnu. Cela s’applique à la prostitution de rue et à d’autres formes de
prostitution. Quand les suspects reconnaissent le crime, le procureur n’engage
généralement pas de procédures légales ; à la place une amende sommaire est
infligée au suspect d’achat de services sexuels. La majorité des crimes
poursuivis ont été commis dans la zone des trois grandes villes. Tous ceux qui
ont été poursuivis entre 1999 et 2008 sont des hommes, d’un âge moyen de 43
ans. Ils ont pour la plupart payé les services sexuels en liquide.
Notre bilan des jugements et des
amendes sommaires infligées durant la période étudiée montre une grande
uniformité en terme d’évaluation de la valeur pénale et du choix de la peine.
Depuis que la Cour Suprême a examiné la question de culpabilité dans le cas
d’achat de services sexuels en 2001 (NJA 2001, p.527), plus de 85% des
poursuites de cas individuels pour de tels achats ont abouti à une peine de «
50 jours d’amende ». Le crime est généralement rapporté plutôt sommairement,
et les jugements contiennent rarement des circonstances atténuantes ou
aggravantes associées au crime.
Quand
l’interdiction a été introduite, certains ont craint qu’il soit difficile de contrôler
la conformité à l’interdiction, de définir et de prouver l’acte criminel.
Cependant,
notre étude sur l’application de l’interdiction montre que, après une période
initiale un peu incertaine, les officiers de police et procureurs considèrent
qu’en général la disposition fonctionne bien. Les procureurs avec lesquels
l’enquête s’est entretenue ont déclaré qu’ils ne voyaient pas maintenant de
problèmes dans l’application directement liés à la disposition pénale. Les crimes
d’achat de sexe sont généralement considérés comme faciles à examiner et sans
complications de procédure. Il peut y avoir d’éventuels problèmes, mais presque
la moitié des crimes rapportés est liée à une personne, cela voulant dire que
la décision a été prise soit pour induire une inculpation, infliger une amende sommaire
ou accorder l’abandon des poursuites. Ceci
est le double du nombre rapporté d’autres crimes sexuels.
Les incertitudes demeurent dans
l’application de la disposition à savoir si la personne exploitée doit être
considérée comme témoin ou victime au tribunal, et le moment auquel une
tentative de crime a été commise. Il est difficile de prouver des tentatives de
crimes, avec pour résultat que, en rapport avec la prostitution de rue, la
police attende délibérément que l’acte sexuel ait commencé pour intervenir, et
le crime est alors entièrement commis.
Délibérations et propositions (Chapitre 7)
Notre
évaluation montre que l’interdiction d’achat de services sexuels a eu l’effet
attendu et est un instrument important de prévention et de combat contre la
prostitution.
Un travail social continu et soutenu est nécessaire
La
criminalisation ne peut jamais être autre chose qu’un supplément à d’autres efforts
pour combattre la prostitution. Il est donc nécessaire d’assurer un travail social
continu et soutenu pour prévenir et combattre la prostitution et la traite des
être humains à buts sexuels. Il est
important d’accroître les mesures en direction des acheteurs de services
sexuels. Il faut
davantage de recherche sur l’acheteur de services sexuels, et des méthodes de
traitement appropriées. Il est
également
important d’aider les enfants et les jeunes qui risquent de tomber dans la
prostitution et de continuer les initiatives d’information pour influencer l’opinion
publique dans ce domaine. Les groupes professionnels qui travaillent à ces
questions doivent avoir accès à une plus grande connaissance pour pouvoir
offrir aux personnes vulnérables une aide et un soutien adéquats. L’enquête ne présente
aucunes propositions spécifiques dans ce domaine, mais attire l’attention –et
insiste particulièrement – sur la valeur et la nécessité de
poursuivre et de soutenir les mesures
sociales.
Il faudrait créer un centre
national contre la prostitution et la traite des êtres humains à buts sexuels
Au cours de notre travail, nous avons
établi qu’il y avait une quantité presqueincroyablement grande d’information
disponible sous forme de rapports,
articles et essais produits à la fois par les organismes gouvernementaux et par
les chercheurs, contenant des éléments et des discussions liés à la
prostitution et à la traite. Une importante conclusion que nous en avons tirée
est que, malgré le grand intérêt pour cette question, il y a un manque de suivi
continu et de
connaissance méthodique de ces
phénomènes. Le savoir
disponible est difficile à saisir et, en partie, difficile à évaluer, et adapté
aux objectifs et perspective des bureaux et organisations concernés.
Cela rend
impossible de tirer des évaluations et des comparaisons entièrement fiables des
connaissances acquises. Cela gêne les efforts faits pour constituer la formation,
le développement des méthodes et les initiatives de soutien nécessaires pour
combattre la prostitution et la traite des êtres humains à buts sexuels aussi
efficacement que possible. Il est
nécessaire de créer de meilleures conditions de coordination, de suivi et de
présentation des connaissances pour
l’avenir, afin d’utiliser le savoir actuel
et acquérir de nouvelles connaissances disponibles à toute personne ayant
qualité pour travailler sur ces questions.
Nous proposons donc d’instaurer un
centre national contre la prostitution et la traite des êtres humains à des
fins d’exploitation sexuelle.
La peine maximum pour achat de
services sexuels devrait être augmentée
A notre avis, les variations entre les
différents crimes d’achat de sexe sont loin d’être prises en compte quand on
décide d’une peine. Selon la révision de la pratique courante entreprise par
l’enquête, il est clair que dans certains cas il faille un examen plus sérieux
du crime qu’il n’a été fait dans la pratique. Des exemples de ces cas incluent l’exploitation
d’une personne à problème psychiatrique, le contact pris par un tiers ou par un
prestataire de service, l’exploitation d’une personne pendant des heures par
plusieurs acheteurs ou l’exploitation d’une personne jeune ou droguée. A notre
avis, le niveau actuel des peines pour certains crimes d’achat sexuel n’est
pas proportionné à
l’ampleur du
crime. Il faut pouvoir nuancer davantage l’estimation de plus de cas sérieux de
crime d’achat de services sexuels qu’il soit possible dans la gamme de peines
actuelle. Nous proposons donc que la peine maximum pour l’achat de services
sexuels soit relevée de six mois d’emprisonnement à un an.
La personne exploitée par la
prostitution doit normalement être considérée comme la victime
Aucune législation ni doctrine légale
n’offre une réponse claire à la question de savoir qui doit être considéré
comme la victime. Selon notre estimation, rien n’empêche une personne qui a été
exploitée par la prostitution d’avoir le statut de victime dans les procédures
concernant l’achat de services sexuels. Il faudrait entreprendre un examen dans
chaque cas pour déterminer si la personne qui procure le service sexuel est
tellement affectée par le crime que lui ou elle
devrait être confié(e) à l’action de la
fonction publique pour engager une plainte pénale.
La question de savoir où situer la
tentative de crimes devrait être résolue lors de l’application de la loi
La question du moment où le crime
d’achat de services sexuels commence a été débattue, et engendre certains
problèmes pour son application dans la pratique.
A notre avis, les problèmes décrits par
les officiers de police et les procureurs quant à l’application pour le crime
d’achat de services sexuels ne diffèrent pas fondamentalement de ceux
rencontrés pour d’autres types de crime. Il n’aurait guère été possible, à
chacun d’apprécier, d’essayer de fixer précisément et légalement le moment où
la tentative de crime a été commise. Les problèmes rencontrés devraient être
regardés comme sujets à interprétation et application,
non à législation. Pas plus que les
problèmes éventuels comme justifier les amendements
législatifs proposés ou d’autres mesures.
Il faut étendre la portée de
l’application de l’interdiction aux crimes commis à l’étranger, sans dévier de
la nécessité de double criminalité.
Nous pensons qu’il faut étendre les
possibilités de poursuivre en Suède les crimes d’achat de sexe commis à
l’étranger, surtout avec l’objectif qu’il serait possible d’appliquer
l’interdiction suédoise dans les cas où une personne représentant des intérêts
publics suédois achèterait des services sexuels à l’étranger. La question de
l’applicabilité de l’interdiction pour crimes commis à l’étranger n’a pas été
abordée en détail dans le travail préparatoire sur lequel est
basée l’interdiction. Maintenant que le
crime est inscrit dans la section 6 du Code Pénal Suédois, il est raisonnable
de le considérer comme applicable partout et non limité aux crimes commis en
Suède. Maintenant que l’interdiction est applicable partout, il n’y a pas de
limites nationales ou territoriales à son applicabilité. Toutefois, cette
conclusion ne signifie pas que les Cours suédoises aient la compétence pour
juger le crime. La compétence pour juger les crimes
commis hors de la Suède est normalement
conditionnée à la double criminalité. La majorité des pays n’ont pas
d’interdiction d’achat de services sexuels équivalente à celle qui sévit en
Suède, il n’y a pas non plus de consensus international sur les méthodes qui
devraient être utilisées pour combattre la prostitution. Permettre que l’achat
de services sexuels soit une exception de l’exigence de double criminalité pour
la juridiction pénale suédoise impliquerait une nette atteinte aux principes
d’introduction d’exigence générale de doublé criminalité pour poursuivre un
crime commis dans un autre pays. Une exception de cette sorte ne pourrait être
basée sur un consensus international de la nature du crime ou de la perception
du crime particulièrement grave. Il ne pourrait être justifié non plus par le
motif de protéger l’intérêt suédois public ou privé. A cet égard, nous avons
jugé impossible de proposer que l’exigence de doublé criminalité soit supprimée
pour le crime d’achat de services sexuels.
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